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TEXTES : LA REMISE DES PECHES
1 - Madame Chantal GUILLERMAIN 23 avril 2020
REMETTRE ou RETENIR les péchés
A qui vous remettrez les péchés, ceux-ci leur seront remis ; à qui vous les retiendrez, ils seront retenus. (Jn 20,23) Cette affirmation du Christ Ressuscité nous choque : essayons d’y voir un peu clair ! Rappelons un principe de base pour la lecture de la Bible : quand, dans l‘Ecriture, une parole me heurte, c’est ma compréhension, mon interprétation que je dois examiner, voire critiquer, en premier lieu : est-ce que je laisse le soupçon m’envahir ou bien est-ce que je fais confiance à la parole de Dieu, en tentant d’y découvrir une Bonne Nouvelle ? Soupçon : souvenez-vous que cette attitude a été instillée comme un poison au cœur d’Adam et d’Eve. Elle est prête à resurgir, à m’envahir de nouveau. Confiance : c’est l’attitude de la foi, l’humilité accueillante qui est toujours à rechercher, à cultiver devant la Parole de Dieu
Après ces préliminaires, que nous dit le texte ?[1]
Jean n’ignore pas la distinction entre « disciples » et « Douze » (6,66). « L’appellation ‘disciples’, constante dans le 4ème évangile, met l’accent sur l’adhésion à Jésus ; les disciples sont à la fois les disciples historiques de Jésus de Nazareth et les représentants des disciples à venir ». On ne peut donc pas attribuer cette phrase uniquement aux douze apôtres et à leurs successeurs.
La paix est un don effectif et pas seulement un souhait, un don divin qui exprime plus que l’absence des conflits, mais la réussite et l’harmonie bienheureuse de toutes les relations humaines. L’Esprit Saint est donné dans le souffle qui rappelle celui de la création, il s’agit d’une régénération complète. Paix, Esprit Saint et pardon sont donc indissociables pour une délivrance et une recréation. En leur donnant la paix, Jésus pardonne à ses disciples leur incrédulité, leur abandon dans la nuit de la Passion et jusqu’à sa mort sur la croix qu’illustre les plaies qu’il leur montre. En leur communiquant son Esprit libérateur, il les envoie délivrer, à leur tour, et pardonner en son nom.
A trop insister sur le caractère négatif de la tournure que nous examinons, on gommerait toutes les affirmations du 4ème évangile au sujet du pardon, du salut, du don de la vie qui y sont inscrites … : entre autres, la délivrance de l’aveugle, la guérison du paralytique, où cécité et infirmité sont des synonymes du péché. Jésus partage à ses disciples sa mission, sa capacité de libérer l’homme du péché ; le péché que l’Agneau de Dieu porte et enlève (1,29). Jésus leur partage le pouvoir du Fils envoyé par l’amour infini de Dieu pour sauver le monde (3,17). « La Tradition catholique interprète, légitimement, ce texte comme fondement scripturaire du sacrement de réconciliation… La Tradition protestante n’est pas à écarter pour autant. Tout baptisé croyant à la résurrection du Christ est responsable de la miséricorde et du pardon dans la communauté. Le pardon n’est pas réservé au ministère presbytéral, dans l’exercice du sacrement. Recevoir l’Esprit Saint c’est être pardonné, et être pardonné, c’est pardonner à son tour. L’Esprit Saint accorde à qui le reçoit les pleins pouvoirs sur le péché. »
Chantal GUILLERMAIN 23 avril 2020 [1] Réflexions puisées dans les études de Xavier Léon-Dufour et Yves Simoens sur l’Evangile selon St Jean.
2 - Père Jean PHILIBERT 28 avril 2020
Chers amis, La question soulevée par Roger Mattei à propos du passage de l’évangile selon saint Jean 20, 21-23 (et pas seulement le v. 23) a permis à Chantal Guillermain de nous éclairer par une approche biblique riche et ouverte. Je me permets d’ajouter à son 4e point (« Le pardon des péchés fait partie de la mission que Jésus confie à ses disciples ») ce que rapporte l’évangéliste Luc (24, 46-49) au sujet des dernières instructions de Jésus aux apôtres, « après leur avoir ouvert l’esprit à l’intelligence des Ecritures » :
« Ainsi était-il écrit que le Christ souffrirait et ressusciterait d’entre les morts le troisième jour et qu’en son Nom le repentir (metanoïa) en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. De cela vous êtes témoins. Pour moi, voici que je vais envoyer sur vous ce que mon Père à promis. Vous donc, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en-Haut ».
[Et j’ajoute encore au dernier paragraphe du texte de Chantal que c’est à partir de cette citation de Luc que nos frères protestants contestent le sacrement de Pénitence-Réconciliation. Ils assurent que Dieu pardonne, mais aucun ministre ne peut être ministre du pardon car il n’y a pas d’intermédiaire autre que le Christ, entre Dieu et l’homme…]
La résurrection du Christ et le don de l’Esprit-Saint (Pentecôte) fondent la rémission des péchés, déjà annoncée au cours du dernier repas (Cène) de Jésus avec ses disciples et dit chaque jour dans les paroles de consécration : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude, en rémission des péchés. »
Lorsque nous sommes confrontés à une question biblique difficile à résoudre - comme ici le couple « remettre ou retenir les péchés », ou encore « lier et délier », bénir et maudire - soit on « bloque », soit on s’emploie à « élargir encore l’espace de notre tente » (Isaïe 54, 2) pour que l’Evangile demeure inconditionnellement, et pour tous, une vraie « bonne nouvelle ». C’est ce qu’énonçait Chantal dans son « principe de base pour la lecture de la Bible ».
C’est dans ce sens que je me propose d’apporter ma pierre à l’édifice par quelques réflexions sur le Baptême et l’Eucharistie, deux sacrements pour une foi heureuse dont on a envie de témoigner.
Quand nous récitons le Credo (Symbole de Nicée-Constantinople), nous confessons la foi de l’Eglise qui affirme : Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés. Et dans le Symbole des Apôtres : Je crois… à la rémission des péchés. Dans cette ligne, il faut relire saint Paul, notamment le chapitre 8 de la Lettre aux Romains (v. 1-2) qui commence ainsi : Il n’y a donc plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. Car la loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t’a affranchi de la loi du péché et de la mort. Mais aussi le prologue de sa Lettre aux Ephésiens (1, 7) : En Lui (Christ) nous trouvons la rédemption, par son sang, la rémission des fautes, selon la richesse de sa grâce… Ou encore, dans sa Lettre aux Colossiens (1, 13-14) : Il (Dieu) nous a en effet arrachés à l’empire des ténèbres et nous a transférés dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés. Pour Paul, n’en doutons pas, il y a donc quelque chose de définitivement accompli et réalisé en Christ : la rémission des péchés.
Le sacrement qui dit cela, c’est le Baptême. Non seulement nous avons été « plongés » dans la mort avec le Christ pour ressusciter avec lui, mais les effets produits en nous de la grâce baptismale sont magistralement enseignés dans le Catéchisme de l’Eglise catholique dont je retiens trois numéros (avec leur titre) : Un seul baptême pour le pardon des péchés N° 978. " Au moment où nous faisons notre première profession de Foi, en recevant le saint Baptême qui nous purifie, le pardon que nous recevons est si plein et si entier, qu’il ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine à subir pour les expier (...)
Pour la rémission des péchés ... N° 1263. Par le Baptême, tous les péchés sont remis, le péché originel et tous les péchés personnels ainsi que toutes les peines du péché (cf. DS 1316). En effet, en ceux qui ont été régénérés il ne demeure rien qui les empêcherait d’entrer dans le Royaume de Dieu, ni le péché d’Adam, ni le péché personnel, ni les suites du péché, dont la plus grave est la séparation de Dieu.
J’y ajoute le N° 1426 qui, en réponse au pardon infini de Dieu miséricordieux, reconnaît la nécessité de notre conversion pour « demeurer » dans la grâce originelle de notre baptême :
Pourquoi un sacrement de Réconciliation après le Baptême ? N° 1426. La conversion au Christ, la nouvelle naissance du Baptême, le don de l’Esprit Saint, le Corps et le Sang du Christ reçus en nourriture, nous ont rendu " saints et immaculés devant lui " (Ep 1, 4), comme l’Église elle-même, épouse du Christ, est " sainte et immaculée devant lui " (Ep 5, 27). Cependant, la vie nouvelle reçue dans l’initiation chrétienne n’a pas supprimé la fragilité et la faiblesse de la nature humaine, ni l’inclination au péché que la tradition appelle la concupiscence, qui demeure dans les baptisés pour qu’ils fassent leurs preuves dans le combat de la vie chrétienne aidés par la grâce du Christ (cf. DS 1515). Ce combat est celui de la conversion en vue de la sainteté et de la vie éternelle à laquelle le Seigneur ne cesse de nous appeler (cf. DS 1545 ; LG 40).
Voilà la vraie « bonne nouvelle » à recevoir et à transmettre. Nous savons que « du côté de Dieu » tout est accompli de la rémission et du pardon de nos péchés en raison de la mort et de la résurrection du Christ. Oui, « tout est accompli » sur la Croix, comme a su l’exprimer la mystique allemande Adrienne von Speyr (1902-1967)[1] : « C’est de la croix que le Ressuscité, en tant qu’Epoux de l’Eglise, confère l’absolution chrétienne définitive ». De notre côté, notre conversion (metanoïa) nous invite à « coller » le plus possible à notre filiation divine, à l’appel à la sainteté, à notre destinée unique qu’est le ciel, par une vie fidèle à l’Evangile qui se résume, comme le dit Jésus lui-même, dans le double commandement l’amour de Dieu et du prochain (cf. Matthieu 22, 35-40). Et j’ajoute : à pardonner comme - puisque - nous-mêmes avons été pardonnés.
Dans le lien entre sacrement du baptême et sacrement de la réconciliation, je rappelle ce que le prêtre dit dans la formule d’absolution : « Il a envoyé l’Esprit Saint pour la rémission des péchés ». Comprenons : Dans l’absolution, l’Esprit Saint agit pour rendre présent et actualiser pour moi aujourd’hui le pardon que le Christ sur la Croix a obtenu de son Père. Dans l’Eucharistie, l’Esprit-Saint a la même mission : rendre présent et actualiser (mémorial) la parole du Christ à ses apôtres : Faites cela en mémoire de moi. Dans le sacrement de la réconciliation, l’Esprit Saint agit pour la rémission de mes péchés, mais surtout il me sanctifie et me remet dans la grâce originelle de mon baptême, signe efficace de la grâce de Dieu qui me sauve.
Portons maintenant notre regard sur l’autre grand sacrement de la foi qu’est l’Eucharistie, le Pain de la vie éternelle. L’Eucharistie est « mémorial » de la mort et de la résurrection du Christ, elle re-présente en mémorial l’acte du Christ qui a livré sa vie pour nous pécheurs. Saint Jean-Paul II a écrit[2] : « Quand l’Eglise célèbre l’eucharistie, mémorial de la mort et de la résurrection de son Seigneur, cet événement central du salut est rendu réellement présent et ainsi « s’opère l’œuvre de notre rédemption ». Ce sacrement est tellement décisif pour le salut du genre humain que Jésus Christ ne l’a accompli et n’est retourné vers le Père qu’après nous avoir laissé le moyen d’y participer comme si nous y avions été présents. »
Dans l’Eucharistie, non seulement nous faisons mémoire du Mystère pascal du Christ mort et ressuscité pour la rémission des péchés, mais nous sommes mystiquement (spirituellement) présent au pied de la Croix, nous tenons la place du « disciple que Jésus aimait » (Jn 19, 26). Dans cette « communion » avec le Christ, n’oublions jamais que nous remettons à Jésus l’humanité, la création et le cosmos, appelées eux aussi à communier au mystère d’un Dieu-Père qui désire recevoir toute l’humanité à l’unique table de son Royaume ; car « Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (I Timothée 2, 4). L’Eucharistie est communion à ce que nous serons tous en Dieu, frères les uns des autres, et fils du même et unique Père, quelle que soit notre religion. Car ce n’est pas parce que nous n’avons pas la même religion que nous n’avons pas le même Dieu.
Si donc nous ne croyons pas que par le baptême tous nos péchés ont déjà été remis, si nous ne croyons pas que dans l’Eucharistie nous communions déjà au banquet divin, alors il est temps de s’interroger : l’Evangile est-il vraiment pour moi une vraie « bonne nouvelle » ? La vie éternelle n’est-elle qu’une hypothèse incertaine et sans véritable horizon, surtout si je ne crois pas que mes péchés ont déjà été remis ? La sainteté n’est-elle pour moi réservée qu’à des « élites sans péchés » et qui feraient ombre sur ce que le pape François appelle avec réalisme « les saints de la porte d’à-côté, ceux qui vivent proches de nous et sont un reflet de la présence de Dieu »[3].
Deux brèves interrogations pour aller plus loin…
En premier lieu, nous devons considérer que l’alternative soulevée par Jésus - remettre ou retenir les péchés - est nécessaire, non pas pour laisser planer le doute sur ce qu’il a déjà réalisé pour nous sur la Croix, mais pour que l’homme use de sa liberté de créature pour accepter de se laisser sauver (ou pas) du péché et de la mort par son Créateur. Dieu n’est pas un tyran ou un despote qui obligerait l’homme au salut et à la vie éternelle, mais il réclame notre adhésion par la foi. Quel que soit notre péché, Jésus nous interroge comme il interrogea Pierre par trois fois après son triple reniement : « Pierre, m’aimes-tu ? » (Jn 21, 15-17). Finalement, c’est Dieu qui s’en « remet » à nous, sans « retenir » (brider) notre liberté. A chaque homme de choisir librement la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction, être liés ou déliés, autant d’alternatives qui, dans le langage biblique, disent le choix libre de l’homme devant Dieu.
En second lieu, ma vie de disciple pose la question de ce que je veux transmettre et témoigner. Si dans la foi, je crois que le Christ a réellement et définitivement pardonné mes péchés sur la Croix, comment j’en témoigne ? Mais si je témoigne plus de mes doutes que de ma foi portée par la foi de l’Eglise, suis-je encore disciple ? Si, au lieu de « remettre » (transmettre) à d’autres le dépôt de la foi pour qu’ils le remettent (transmettent) à leur tour, si je le « retiens », suis-je encore disciple ? « Remettre » ou « retenir » doit s’entendre jusque-là…
Psaume 129 : Si tu retiens les fautes, Seigneur,
[1] La confession, Adrienne von Speyr, Editions Johannes Verlag, 2016, page 70 [2] Lettre encyclique L’Eglise vit de l’Eucharistie (17 avril 2003), n° 11, § 3. [3] Exhortation apostolique Soyez dans la joie et l’allégresse, 19 mars 2018, § 7.
3 - Père Pierre AVERAN 1er mai 2020
Le deuxième texte est d'Isaac de l' Etoile, cistercien (1147)
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Réponses faites au Questionnaire proposé par la Croix sur la Lettre du Pape au peuple de Dieu
Les réponses à ce questionnaire émanent d’un groupe de 19 personnes, du diocèse d’Avignon qui se sont rassemblées à deux reprises, sous l’égide du CERCA (Centre d’Etudes et de Réflexion Chrétiennes d’Avignon) pour faire une lecture collective de la lettre du pape François au Peuple de Dieu et mettre en perspective ce texte avec la crise actuelle de l’Eglise. 1. L’Eglise catholique vit un moment particulier de son histoire. Comment le qualifiez-vous ? Cette crise est une conséquence logique de siècles d’aveuglement dans lesquels l’Eglise s’est enferrée. Elle est nécessaire, elle constitue peut-être même une chance de prise de conscience, de retour à l’Evangile… en bref, c’est «un mal d’où peut sortir un bien ». Cette crise pourrait permettre de revoir la gouvernance de l’Eglise : abandonner les problématiques de pouvoir à sauvegarder ou à conquérir, pour retrouver le sens du ministère et du service par tous et pour tous, parler de responsabilité partagée.
2. Quels événements de ces derniers mois vous ont particulièrement marqués ? L’affaire Barbarin bien sûr, suivie par le reportage sur les religieuses abusées et le livre Sodoma. Nous sommes frappés par la concomitance entre la crise de l’Eglise et celle de la société (française et plus largement occidentale). Ce parallèle illustre la désaffection et la perte de sens d’institutions qui n’ont pas su tirer les conséquences d’une soif de démocratie et de transparence, et qui continuent à privilégier des conceptions verticales, autoritaires et hiérarchiques du pouvoir.
3. Avez-vous le sentiment qu’il est difficile de se dire catholique en ce moment ? Nous n’avons pas ce sentiment, en tout cas pas spécifiquement maintenant. Il nous parait utile à ce propos de rappeler le sens de la catholicité : c’est-à-dire l’universalité. Se dire catholique implique donc de prôner une ouverture à tous. Il n’en demeure pas moins que beaucoup d’entre nous éprouvent des sentiments de honte, de colère et
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de peine par rapport à une institution catholique romaine souvent contestable dans son gouvernement.
4. Ces événements ont-ils changé votre regard sur l’Eglise, vos engagements, votre soutien ? Ces événements sont un rappel, peut-être utile, que l’Eglise est humaine, faillible. Le regard sur l’institution s’est attristé. L’engagement et le soutien restent les mêmes, nuancés d’une exigence accrue de vigilance et de réforme.
5. Ces événements ont-ils changé vos rapports avec les prêtres que vous connaissez, les évêques, le pape ? Le regard sur le pape reste encore positif et confiant. Quant aux évêques et aux prêtres, cela dépend : les relations confiantes le restent, tandis que les tensions croissent avec le clergé imbu de ses prérogatives et jaloux de son « pouvoir ». A cet égard, il est troublant de constater que dans de nombreuses paroisses, aucune mention n’ait été faite de la lettre du pape François au peuple de Dieu. Cela donne l’impression que des prêtres (sur les directives de leur évêque ?) ont plus ou moins consciemment bloqué cette lettre, qui met le doigt sur ce qui fait problème dans l’institution Eglise : le cléricalisme.
6. Dans cette période troublée, à quoi vous raccrochez-vous ? En premier lieu à l’Evangile bien sûr, aux échanges fraternels qui réconfortent et aux relations avec les prêtres ouverts.
7. Avez-vous trouvé des lieux où vous pouvez parler avec d’autres de ce que vit l’Eglise actuellement ? La Paroisse Universitaire, VEA (Vivre l’Evangile aujourd’hui), certaines paroisses, le CERCA (Centre d’Etudes et de Réflexion Chrétiennes d’Avignon). Il y a également les échanges avec certains fidèles dans le cadre de relations proches et fraternelles.
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8. A quelle échelle, selon vous, est-il le plus urgent d’agir pour faire évoluer les structures et les fonctionnements de l’Eglise : au plan universel ? au plan diocésain ? au plan local ? Il est important d’agir sur les 3 niveaux pour permettre une plus grande participation des laïcs. De manière générale, il faudrait qu’en face de chaque instance de décision cléricale soit placée une instance qui puisse exercer un « contre-pouvoir ». A chaque niveau, une plus large concertation est nécessaire avant toute décision finale. Nous pensons qu’il faut demander : - La participation des laïcs dans les processus de décision, que ce soit au plan local ou diocésain - Des conseils pastoraux qui ne soient pas de simples chambres d’enregistrement des décisions du curé - Les désaccords exprimés par des laïcs ne doivent plus être des motifs d’expulsion de ces derniers. - Au niveau du diocèse de Vaucluse, il est urgent pour nous de préparer «l’après Cattenoz » après des années d’immenses souffrances pour les prêtres d’abord, les laïcs ensuite. Il y a un manque total de respect des personnes et un climat de mensonges généralisés dans l’administration de notre diocèse, qui en rendent l’atmosphère irrespirable.
9. Et vous, personnellement, que pouvez-vous faire pour contribuer à « réparer l’Eglise » ? Avez-vous déjà commencé ? Une réflexion a commencé sur les changements à envisager, les responsabilités à partager. Sur le plan liturgique, nous pensons qu’il y a actuellement une tendance regrettable à chosifier l’adoration du « Saint Sacrement » : alors qu’il faudrait corréler plus étroitement la Présence du Christ dans la Parole avec celle dans l’Eucharistie. Nous pensons aussi qu’il faut faire davantage circuler la parole, répondre davantage aux questions des publics des périphéries. Nous essayons également de mettre sur pied des rencontres régulières entre prêtres et laïcs .../..
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10. Quels sont les trois chantiers prioritaires, selon vous pour l’Eglise ? Quelles propositions concrètes avez-vous déjà mises en place ou voudriez-vous mettre en œuvre pour « réparer »l’Eglise ? Nous avons plusieurs propositions que nous livrons pêle-mêle :
- Libérer la parole des laïcs, permettre les conditions d’un vrai dialogue - A côté de l’Assemblée Plénière de l’épiscopat, créer une Assemblée Plénière de l’Eglise de France, composée de laïcs et de prêtres - Favoriser la communication entre laïcs et prêtres en organisant des réunions pour se parler, se connaitre - Réfléchir à ce qu’on attend d’un évêque : Quel est le profil souhaité ? Pourquoi n’interrogerait-on pas les chrétiens des diocèses pour tracer le profil souhaité de l’évêque à venir, comme cela s’est parfois fait après le Concile ? - Les séminaires : à eux seuls ils suscitent beaucoup d’interrogations et d’idées de réformes : ouvrir la formation des prêtres sur le monde, sur les femmes ; se poser la question du maintien du célibat des prêtres : les Eglises orientales ont un clergé qui peut être marié ; dans les 1ers siècles de l’Eglise il en allait de même en Occident ; être clair sur le profil des séminaristes, leur rapport à la sexualité et sur leur choix de vie : célibat ou mariage - Pourquoi des laïcs, dont des femmes, ne pourraient pas faire des homélies ?
11. Que voudriez-vous dire aux responsables de l’institution ecclésiale ? Ecoutez-nous, écoutez les laïcs.
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Lettre du Pape François au Peuple de Dieu Publié le 20 août 2018
« Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1 Cor 12,26). Ces paroles de saint Paul résonnent avec force en mon cœur alors que je constate, une fois encore, la souffrance vécue par de nombreux mineurs à cause d’abus sexuels, d’abus de pouvoir et de conscience, commis par un nombre important de clercs et de personnes consacrées. Un crime qui génère de profondes blessures faites de douleur et d’impuissance, en premier lieu chez les victimes, mais aussi chez leurs proches et dans toute la communauté, qu’elle soit composée de croyants ou d’incroyants. Considérant le passé, ce que l’on peut faire pour demander pardon et réparation du dommage causé ne sera jamais suffisant. Considérant l’avenir, rien ne doit être négligé pour promouvoir une culture capable non seulement de faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas mais encore que celles-ci ne puissent trouver de terrains propices pour être dissimulées et perpétuées. La douleur des victimes et de leurs familles est aussi notre douleur ; pour cette raison, il est urgent de réaffirmer une fois encore notre engagement pour garantir la protection des mineurs et des adultes vulnérables. 1. Si un membre souffre Ces derniers jours est paru un rapport détaillant le vécu d’au moins mille personnes qui ont été victimes d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience, perpétrés par des prêtres pendant à peu près soixante-dix ans. Bien qu’on puisse dire que la majorité des cas appartient au passé, la douleur de nombre de ces victimes nous est parvenue au cours du temps et nous pouvons constater que les blessures infligées ne disparaissent jamais, ce qui nous oblige à condamner avec force ces atrocités et à redoubler d’efforts pour éradiquer cette culture de mort, les blessures ne connaissent jamais de «prescription». La douleur de ces victimes est une plainte qui monte vers le ciel, qui pénètre jusqu’à l’âme et qui, durant trop longtemps, a été ignorée, silencieuse ou passé sous silence. Mais leur cri a été plus fort que toutes les mesures qui ont entendu le réprimer ou bien qui, en même temps, prétendaient le faire cesser en prenant des décisions qui en augmentaient la gravité jusqu’à tomber dans la complicité. Un cri qui fut entendu par le Seigneur en nous montrant une fois encore de quel côté il veut se tenir. Le Cantique de Marie ne dit pas autre chose et comme un arrière-fond, continue à parcourir l’histoire parce que le Seigneur se souvient de la promesse faite à nos pères: «Il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides» (Lc 1, 51-53); et nous ressentons de la honte lorsque nous constatons que notre style de vie a démenti et dément ce que notre voix proclame. Avec honte et repentir, en tant que communauté ecclésiale, nous reconnaissons que nous n’avons pas su être là où nous le devions, que nous n’avons pas agi en temps voulu en reconnaissant l’ampleur et la gravité du dommage qui était infligé à tant de vies. Nous avons négligé et abandonné les petits. Je fais miennes les paroles de l’alors cardinal Ratzinger lorsque, durant le Chemin de Croix écrit pour le Vendredi Saint de 2005, il s’unit au cri de douleur de tant de victimes en disant avec force: «Que de souillures dans l’Église, et particulièrement parmi ceux qui, dans le sacerdoce, devraient lui appartenir totalement ! Combien d’orgueil et d’autosuffisance ! […] La trahison des disciples, la réception indigne de son Corps et de son Sang sont certainement les plus grandes souffrances du Rédempteur, celles qui lui transpercent le cœur. Il ne nous reste plus qu’à lui adresser, du plus profond de notre âme, ce cri: Kyrie, eleison – Seigneur, sauve-nous (cf. Mt 8, 25)» (Neuvième Station). 2. Tous les membres souffrent avec lui L’ampleur et la gravité des faits exigent que nous réagissions de manière globale et communautaire. S’il est important et nécessaire pour tout chemin de conversion de prendre connaissance de ce qui s’est passé, cela n’est pourtant pas suffisant. Aujourd’hui nous avons à relever le défi en tant que peuple de Dieu d’assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et dans leur esprit. Si par le passé l’omission a pu être tenue pour une forme de réponse, nous voulons aujourd’hui que la solidarité, entendue dans son acception plus profonde et exigeante, caractérise notre façon de bâtir le présent et l’avenir, en un espace où les conflits, les tensions et surtout les victimes de tout type d’abus puissent trouver une main tendue qui les protège et les sauve de leur douleur (Cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.228). Cette solidarité à son tour exige de nous que nous dénoncions tout ce qui met en péril l’intégrité de toute personne. Solidarité qui demande de lutter contre tout type de corruption, spécialement la corruption spirituelle, «car il s’agit d’un aveuglement confortable et autosuffisant où tout finit par sembler licite: la tromperie, la calomnie, l’égoïsme et d’autres formes subtiles d’autoréférentialité, puisque « Satan lui-même se déguise en ange de lumière » (2Co11,14) » (Exhort. ap. Gaudete et Exsultate, n.165). L’appel de saint Paul à souffrir avec celui qui souffre est le meilleur remède contre toute volonté de continuer à reproduire entre nous les paroles de Caïn: «Est-ce que je suis, moi, le gardien de mon frère?» (Gn 4,9). Je suis conscient de l’effort et du travail réalisés en différentes parties du monde pour garantir et créer les médiations nécessaires pour apporter sécurité et protéger l’intégrité des mineurs et des adultes vulnérables, ainsi que de la mise en œuvre de la tolérance zéro et des façons de rendre compte de la part de tous ceux qui commettent ou dissimulent ces délits. Nous avons tardé dans l’application de ces mesures et sanctions si nécessaires, mais j’ai la conviction qu’elles aideront à garantir une plus grande culture de la protection pour le présent et l’avenir. Conjointement à ces efforts, il est nécessaire que chaque baptisé se sente engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons tant besoin. Une telle transformation nécessite la conversion personnelle et communautaire et nous pousse à regarder dans la même direction que celle indiquée par le Seigneur. Ainsi saint Jean-Paul II se plaisait à dire: «Si nous sommes vraiment repartis de la contemplation du Christ, nous devrons savoir le découvrir surtout dans le visage de ceux auxquels il a voulu lui-même s’identifier» (Lett. ap. Novo Millenio Ineunte, n.49). Apprendre à regarder dans la même direction que le Seigneur, à être là où le Seigneur désire que nous soyons, à convertir notre cœur en sa présence. Pour cela, la prière et la pénitence nous aideront. J’invite tout le saint peuple fidèle de Dieu à l’exercice pénitentiel de la prière et du jeûne, conformément au commandement du Seigneur1, pour réveiller notre conscience, notre solidarité et notre engagement en faveur d’une culture de la protection et du «jamais plus» à tout type et forme d’abus. Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu. Plus encore, chaque fois que nous avons tenté de supplanter, de faire taire, d’ignorer, de réduire le peuple de Dieu à de petites élites, nous avons construit des communautés, des projets, des choix théologiques, des spiritualités et des structures sans racine, sans mémoire, sans visage, sans corps et, en définitive, sans vie2. Cela se manifeste clairement dans une manière déviante de concevoir l’autorité dans l’Eglise – si commune dans nombre de communautés dans lesquelles se sont vérifiés des abus sexuels, des abus de pouvoir et de conscience – comme l’est le cléricalisme, cette attitude qui «annule non seulement la personnalité des chrétiens, mais tend également à diminuer et à sous-évaluer la grâce baptismale que l’Esprit Saint a placée dans le cœur de notre peuple»3. Le cléricalisme, favorisé par les prêtres eux-mêmes ou par les laïcs, engendre une scission dans le corps ecclésial qui encourage et aide à perpétuer beaucoup des maux que nous dénonçons aujourd’hui. Dire non aux abus, c’est dire non, de façon catégorique, à toute forme de cléricalisme. Il est toujours bon de rappeler que le Seigneur, «dans l’histoire du salut, a sauvé un peuple. Il n’y a pas d’identité pleine sans l’appartenance à un peuple. C’est pourquoi personne n’est sauvé seul, en tant qu’individu isolé, mais Dieu nous attire en prenant en compte la trame complexe des relations interpersonnelles qui s’établissent dans la communauté humaine: Dieu a voulu entrer dans une dynamique populaire, dans la dynamique d’un peuple» (Exhort. ap. Gaudete et Exsultate, n.6). Ainsi, le seul chemin que nous ayons pour répondre à ce mal qui a gâché tant de vies est celui d’un devoir qui mobilise chacun et appartient à tous comme peuple de Dieu. Cette conscience de nous sentir membre d’un peuple et d’une histoire commune nous permettra de reconnaitre nos péchés et nos erreurs du passé avec une ouverture pénitentielle susceptible de nous laisser renouveler de l’intérieur. Tout ce qui se fait pour éradiquer la culture de l’abus dans nos communautés sans la participation active de tous les membres de l’Eglise ne réussira pas à créer les dynamiques nécessaires pour obtenir une saine et effective transformation. La dimension pénitentielle du jeûne et de la prière nous aidera en tant que peuple de Dieu à nous mettre face au Seigneur et face à nos frères blessés, comme des pécheurs implorant le pardon et la grâce de la honte et de la conversion, et ainsi à élaborer des actions qui produisent des dynamismes en syntonie avec l’Evangile. Car «chaque fois que nous cherchons à revenir à la source pour récupérer la fraîcheur originale de l’Évangile, surgissent de nouvelles voies, des méthodes créatives, d’autres formes d’expression, des signes plus éloquents, des paroles chargées de sens renouvelé pour le monde d’aujourd’hui» (Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n.11). Il est essentiel que, comme Eglise, nous puissions reconnaitre et condamner avec douleur et honte les atrocités commises par des personnes consacrées, par des membres du clergé, mais aussi par tous ceux qui ont la mission de veiller sur les plus vulnérables et de les protéger. Demandons pardon pour nos propres péchés et pour ceux des autres. La conscience du péché nous aide à reconnaitre les erreurs, les méfaits et les blessures générés dans le passé et nous donne de nous ouvrir et de nous engager davantage pour le présent sur le chemin d’une conversion renouvelée. En même temps, la pénitence et la prière nous aideront à sensibiliser nos yeux et notre cœur à la souffrance de l’autre et à vaincre l’appétit de domination et de possession, très souvent à l’origine de ces maux. Que le jeûne et la prière ouvrent nos oreilles à la douleur silencieuse des enfants, des jeunes et des personnes handicapées. Que le jeûne nous donne faim et soif de justice et nous pousse à marcher dans la vérité en soutenant toutes les médiations judiciaires qui sont nécessaires. Un jeûne qui nous secoue et nous fasse nous engager dans la vérité et dans la charité envers tous les hommes de bonne volonté et envers la société en général, afin de lutter contre tout type d’abus sexuel, d’abus de pouvoir et de conscience. De cette façon, nous pourrons rendre transparente la vocation à laquelle nous avons été appelés d’être «le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (Conc. OEcum. Vat.II, Lumen Gentium, n.1). « Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui », nous disait saint Paul. Au moyen de la prière et de la pénitence, nous pourrons entrer en syntonie personnelle et communautaire avec cette exhortation afin que grandisse parmi nous le don de la compassion, de la justice, de la prévention et de la réparation. Marie a su se tenir au pied de la croix de son fils. Elle ne l’a pas fait de n’importe quelle manière mais bien en se tenant fermement debout et à son coté. Par cette attitude, elle exprime sa façon de se tenir dans la vie. Lorsque nous faisons l’expérience de la désolation que nous causent ces plaies ecclésiales, avec Marie il nous est bon «de donner plus de temps à la prière» (S. Ignace de Loyola, Exercices Spirituels, 319),cherchant à grandir davantage dans l’amour et la fidélité à l’Eglise. Elle, la première disciple, montre à nous tous qui sommes disciples comment nous devons nous comporter face à la souffrance de l’innocent, sans fuir et sans pusillanimité. Contempler Marie c’est apprendre à découvrir où et comment le disciple du Christ doit se tenir. Que l’Esprit Saint nous donne la grâce de la conversion et l’onction intérieure pour pouvoir exprimer, devant ces crimes d’abus, notre compassion et notre décision de lutter avec courage. Du Vatican, le 20 août 2018. FRANÇOIS
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L’ Accueil des Familles de Détenus du Vaucluse
AFDV recherche des bénévoles.
Cette association accueille les familles et les amis des détenus au moment
des parloirs, devant le Centre Pénitentiaire d’Avignon-Le Pontet.
Les bénévoles assurent des permanences du mardi au samedi de 7h45 à 17h ou 18h.
Ce service d’accueil veut aider au maintien des relations entre les détenus et leurs familles.
La démarche de l’AFDV repose sur des principes de respect, de discrétion, et de neutralité politique et religieuse.
Pour tout renseignement : Tél. 04 90 31 41 70 aux heures de parloirs.
Mail : afdv84@orange.fr
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